La côte landaise
qui s'étend de l'Adour à la Gironde est constituée par une
plage battue par la houle et par un grand cordon de dunes
stériles derrière lequel les eaux s'accumulent et stagnent en un
long cordon d'étangs peu profonds qui se déversent dans la mer
par quelques rares courants. La seule richesse naturelle de cette
région est la pêche aux anguilles.
Le bassin
d'Arcachon situé au milieu du chapelet des lacs landais reçoit
la rivière la plus importante des Landes, la Leyre, et communique
avec la mer par une large passe; le mouvement alternatif des
courants de flot et de jusant y entretient un réseau complexe de
chenaux naturels profonds et y renouvelle les eaux. Avant le
développement de l'ostréïculture qui lui donne sa richesse
actuelle dans la seconde moitié du XIXème siècle, le bassin
d'Arcachon participe de la pauvreté générale de cette côte
aussi inhospitalière à l'homme du côté de l'eau salée que du
côté de l'eau douce.
Dans cette
région défavorisée, trois bateaux primitifs se sont conservés
jusqu'à aujourd'hui, au sud la galupe et le couralin et la
pinasse au centre.
Les mots du
langage nautique et les noms en particulier proviennent souvent
des racines très anciennes, antérieures à la constitution de
nos langues modernes. Le mot pinasse par exemple possède des
parents proches en anglais : pinace, en hollandais : pinck; en
français nous avons également péniche qui provient de la même
racine et qui selon les lieux ou les époques désigne des bateaux
différents.
Dans son
architecture et dans son accastillage, la pinasse d'Arcachon porte
la trace des influences diverses qui ont marqué l'histoire
nautique de notre pays. La coque, dans sa morphologie et dans son
mode de construction à clin témoigne de son origine germanique.
La technologie de l'aviron, tolet traversant la lisse extérieure
et tombant hors de la coque, erseau et aviron à contre poids, est
typiquement latine. La voile avec son dispositif d'inclinaison
latérale et longitudinale variable est d'origine basque ou
galicienne. Le fond en V variable de la pinasse moderne et la
dérive centrale adaptée à la fin d XIXème siècle témoignent
de l'influence américaine.
La pinasse
possède un mât à inclinaison latérale et longitudinale
combinées et variables qui est à rapprocher des techniques
comparables basques et galiciennes, mais qui est unique en son
genre. Le dispositif est constitué d'une part par le banc de mât
qui est une simple planche amovible, la toste, capelée sur une
paire de tolets de nage et d'autre part par un sabot de mât à
multiples emplantures combinées de façon que l'inclinaison
longitudinale vers l'arrière soit d'autant plus prononcée que
l'inclinaison latérale est plus forte. Cela a pour effet de
déporter le centre de voilure d'autant plus vers l'arrière que
l'allure est plus proche du vent de façon à solliciter plus
fortement l'action antidérive du vaste safran du gouvernail.
D'autres part,
l'inclinaison latérale au vent permet à la voile de porter plein
lorsque la coque possède la gîte qui correspond à sa stabilité
maximale et à la plus grande immersion du bouchain qui fournit
avec le safran du gouvernail la surface latérale nécessaire à
la marche aux allures latérales.
Avec l'adoption
de la dérive centrale ce curieux équilibre est altéré, la
pinasse navigue alors comme n'importe quel dériveur moderne;
cependant elle conserve la particularité assez spectaculaire de
se déformer, de se vriller, sous les sollicitations opposées du
pont d'amure situé au vent et à l'avant, et de l'équipage en
rappel à l'arrière, à à cause de l'extrême légèreté de sa
construction.
A chaque virement
de bord, la mât est soulevé au-dessus du banc et la voile
passée par dessous son pied. Cette manœuvre de changement de
côté de la voile est la plus rapide qui soit, mais pour qu'elle
soit possible le mât doit être très léger; sa fragilité est
telle qu'il casse instantanément si la drisse qui sert de hauban
est larguée alors que la voile travaille encore.
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